Sophie se laisse glisser sur le
sol. Elle a besoin de peser ses options. Rester seule ici? Elle ne s'en sent
pas le courage. Rentrer chez elle? Ça ne lui apporterait rien. Vérifier les
autres appartements?
La porte du garage grince. Sophie
arrête ses pensées et se concentre pour écouter. "Pourvu qu'ils puissent sortir à temps" se dit-elle. Silence
dans le couloir, elle se détend un peu.
Un bruit sourd résonne, c'est l'ascenseur
qui descend. "Oh non s'il vous plait".
Elle qui s'est toujours cru athéiste se surprend à implorer un être divin. Les
portes de la voiture claquent. Le moteur se met en marche. Elle entend le bip,
et devine que la voiture recule. Dans quelque secondes ils seront partis.
C’est alors que résonne le fracas
des vitres qui explosent. Tandis que la voiture sortait de son abri, le tueur attendait
patiemment sur le côté. Il touche les parents en pleine tête. Le hurlement des
garçons fait écho dans le vieux bâtiment. D'autres coups de feu et c’est le
silence complet. Assisse par terre Sophie se met en boule instinctivement. Elle
prie pour que ça s'arrête. Elle va se réveiller, se rendre compte que ça n'était qu'un mauvais
cauchemar. C'est ça, ça doit être un mauvais cauchemar. Le réveil sonne.
C'est son téléphone fixe qui lui
sert de réveil. Elle entend la sonnerie à travers le mur. Son répondeur se met
en marche. Elle a confondu les sonneries. "Merde"
lance-t-elle dans le vide. A peine le mot s'est-il écrasé sur le parquet
qu'elle entend qu'on court dans l'escalier. La porte de service claque
bruyamment contre le mur. Un coup de pistolet. Sa porte éclate. Elle ne peut s'empêcher
de se relever pour regarder par le Judas. Elle le voit donner un coup de pied
dans les débris pour rentrer chez elle. Elle ne se souvient pas l'avoir déjà
croisé. Il a un beau profil, la quarantaine, plutôt musclé, le genre d’homme
à qui elle ferait les yeux doux dans un bar. Il passe de pièces en pièces, la
salle, la cuisine, la salle de bain, la chambre, fait claquer les portes des
placards. Elle imagine ses mains pleines de sang faisant valser ses affaires
dans la penderie; tachant le lit blanc alors qu'il se baisse pour regarder dessous.
A cet instant, instinctivement
elle ouvre la porte. Elle sait où il est, c’est le meilleur moment pour bouger
se dit-elle. Elle pose un pied sur le carrelage, glisse le long du mur sans
perdre de vue sa porte d'entrée, la dépasse pour aller jusqu'à l’autre bout du
couloir. Si les voisins sont là, elle a une chance, sinon son sang risque bien
de se mêler au tapis rouge qui couvre le sol.
Elle n'a même pas le temps de frapper
que la porte s'ouvre, une main ferme l’empoigne, la tire à l’intérieur et
referme derrière elle. Son regard fait le tour de la pièce: deux enfants sont
assis sur un canapé rouge. Le plus grand joue à un jeu vidéo de formule 1 sur
une console portable. L’autre regarde des dessins animés sur un petit ordinateur
posé sur une table basse en verre. Tous les deux ont un casque les coupant du
lourd silence qui règne dans la pièce. Un homme blond et une femme frêle, sont assis
contre le dossier du canapé. A leurs postures et leurs traits, elle les imagine
être les parents des petits. Un autre couple se tient debout dans le
renfoncement de la cuisine américaine, ce sont ses voisins Espagnol. Elle leur
fait un signe de reconnaissance.
Face à elle il y a cette jeune
fille. Celle qui lui a ouvert. Brune, les yeux marrons, plutôt normale, seul
son expression la différencie des autres. Comme eux, elle a peur, ça se lit sur
son visage. Mais surtout elle semble être dans une colère noire. A-t-elle
perdue quelqu'un? Sophie se demande comment ils se sont tous retrouvés ici.
De mon côté, je ne décolère pas.
A suivre...
Suspens suspens! Z'en veux plus
ReplyDelete:) Super! La semaine prochaine ;)
ReplyDeleteAvec ça : "Face à elle il y a cette jeune fille.", c'est difficile de comprendre que la fille en question est la narratrice (c'est ce qu'on fini par comprendre dans l'épisode qui suit, mais c'est quand même perturbant)
ReplyDeleteOui je voulais justement que les gens devinent par eux-même. Je pensais que le "De mon côté, je ne décolère pas." suffirait mais - vu que tu n'es pas le seul à me faire la remarque - il semble que non.
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