27 October 2013

Psycho-cookies

Le vent bouscule sa frange qui ne cesse de retomber sur ses grands yeux bleus. Anna passe la main dans ses cheveux bruns pour les remettre en place.
- « Alors quoi de neuf?
- J'ai un piano à vendre.
- C'est tout ce que tu as de neuf?
- Non il est d'occasion.
- Grosse maline » s'amuse-t-elle « tu vas me raconter ton week-end oui! 
- Bof.
- Ah non pourquoi bof? Il te plaisait!
- Oui, mais, je ne sais pas, c'est dur à expliquer. Un truc qui cloche.
- Y a toujours un truc qui cloche, y a pas de mec parfait, faut pas rêver ma poule.
- Tu n’essayerais pas de m’annoncer l'arrivée de Pâques toi? Dis-moi plutôt comment était le tien ?
- On s'est engueulés. J'ai horreur de ça. Ça me met dans tous mes états. »
Emilie lève enfin les yeux sur son amie.
- « A propos de quoi?
- Des conneries. Mais on parlait de toi.
- Justement je préfère éviter.
- Menteuse, tu adores parler de toi. Craches le morceau. »
Elles sourient et reprennent une gorgée de thé chaud.
- « J'ai ressortit la cape d'invisibilité. 
- Ah merde! Toi et ta cape, ce n’est pas possible, t'es pas Batman!
- Mieux vaut une cape qu'une serpillère! » Sourit Emilie.
- « Ok un point pour toi. Mais faut que t'arrêtes de faire ça. Tu ne peux pas te rabaisser tout le temps.
- Tu ne te rabaisses pas toi peut-être? Dès que Jérôme fait un peu la gueule tu flippes et tu lui passes tout ».
Anna regarde une famille endimanchée qui passe près d’elles. Emilie les ignore et reprend un cookie.
- « C'est vrai. Je ne sais pas pourquoi j'ai peur de l'abandon. Pourtant on ne m’a jamais abandonné.
- Pas vraiment.
- Comment ça pas vraiment? » La voix d'Anne est teintée de surprise.
Emilie reste silencieuse un long instant. Anne la regarde, remet sa méche. Sa curiosité augmente.
- « Désolée j'avais un truc coincé entre les dents.
- Rhooo tu vas parler oui, comment ça pas vraiment? 
- On ne t’a pas vraiment abandonné mais tu as passé ton enfance à voir tes parents s'engueuler et claquer les portes. T'as le syndrome des enfants de divorcés sans avoir eu deux fois plus de cadeaux à Noel. Ils pensent toujours que leurs parents se séparent à cause d'eux. Qu'aucun ne voudra d'eux et qu'ils vont se retrouver en plan.
- Tu t'y connais en divorce toi maintenant?
- Non mais je te connais-toi » lance Emilie d'une voix douce.
- « Tu veux que je te dise pourquoi tu te dévalorise toujours?
- Je suis sure que tu as une petite idée.
- Tu vas me haïr.
- Pourquoi? Tu ne peux pas le dire gentiment.
- Si mais tu n'aimes pas Freud.
- Ah non tu ne vas pas me sortir le cliché Freudien! » Emilie, dépitée, tourne son regard noir vers une boutique au loin. Elle ne doit pas oublier d'y faire une course plus tard.
- « Réfléchit. Qui dans ton entourage, est passionné et a toujours fait passer sa passion avant toi? »
Emilie ne dit rien mais elle voit très bien à qui son amie fait référence.
- « Il m'énerve ce Freud.
- Ahah j'avais raison, tu nous fais un complexe d'œdipe.
- N'exagérons pas, je ne veux pas tuer ma mère » rétorque Emilie de sa voix fluette. « Bon, on fait quoi maintenant? C'est bien gentil les séances de psychanalyses et cookies mais à part nous rendre obèse, ça ne va pas faire grand-chose.
- Quand on sera obèse, on n’aura plus de problèmes de mecs, c'est peut-être une solution.
- Les obèses ont les mêmes problèmes.
- Merde, dans ce cas, la prochaine fois on se fait psycho-salade verte ».
Une sirène retentit au loin, un petit camion se gare de l'autre côté de la route. Les deux femmes règlent l'addition et se lèvent. 
- « Allez viens, je t'offre une glace. »